Finances
Loi spéciale : Comment éviter l'augmentation de l'impôt sur le revenu
2024-12-11
Dans les rangs de l’Assemblée nationale, la censure du gouvernement Barnier a des conséquences importantes. La loi de finances pour 2025 devait indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur le revenu (IR) à hauteur de 2 %. L’enjeu était d’éviter que ceux qui ont bénéficié de petites augmentations de revenus face à la hausse des prix ne voient leurs impôts augmenter. Même, pour certains, de devenir imposables alors qu’ils n’étaient pas concernés jusqu’à présent. Selon les calculs de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), ce serait le cas de 380 000 ménages. Et la grande majorité des dix-huit millions de foyers assujettis à l’IR subiraient une hausse. C’est ce qui gêne aux entournures ceux qui ont voté la motion de censure.
Le Projet de Loi Spéciale
Pour pallier l’absence d’une loi de finances et d’une loi de financement de la Sécurité sociale avant le 31 décembre, le gouvernement a présenté un Projet de loi spéciale le mercredi 11 décembre en conseil des ministres. Cette loi, de caractère « d’urgence » et prévue pour être « temporaire », a pour but de faire la « jointure » en attendant l’adoption d’un Budget. Selon le ministre de l’Économie Antoine Armand, devant la Commission des finances de l’Assemblée nationale, c’est un « texte technique, sans portée politique ».Elle doit assurer « la continuité de la vie nationale » et ne contient que trois articles succincts. Un article autorise l’agence France Trésor à émettre de la dette pour le financement des services publics. Un autre permet à quatre organismes de Sécurité sociale, dont l’Acoss, de recourir également à l’emprunt. Mais c’est son article premier qui est particulièrement scruté, car c’est celui qui autorise à percevoir les impôts existants et implicitement les prélèvements sur recettes pour les collectivités territoriales et l’Union européenne.Le Régime des « Services Votés »
Une fois la loi adoptée, le gouvernement devra prendre un décret pour ouvrir les crédits indispensables. Ces crédits ne doivent représenter que le minimum nécessaire pour les services publics, dans la limite du budget 2024. Les dépenses qui concernent des textes toujours en vigueur l’année prochaine ne seront pas remises en question. Par exemple, il n’y a pas d’inquiétude pour Ma Prime Rénov’. De même, la fonction publique pourra toujours remplacer des départs. Cependant, il n’est pas question d’augmenter pour l’heure les effectifs, comme c’était prévu par exemple pour les Armées ou la Justice. Les nouveaux projets d’investissements qui ne sont pas absolument nécessaires ne seront pas possibles. De même que les dépenses discrétionnaires comme des subventions, sauf exceptions. Ainsi, en ce qui concerne le « fonds vert » pour des projets de transition écologique, les collectivités recevront le paiement des subventions déjà attribuées mais ne pourront pas en avoir de nouvelles.Les Limitations de la Loi Spéciale
La loi spéciale ne peut pas non plus prolonger des dispositifs qui avaient vocation à s’arrêter au 31 décembre. Pour les entreprises, c’est le cas par exemple du crédit d’impôt innovation. Dans son avis rendu public le 10 décembre, le Conseil d’État indique que « les mesures nouvelles d’ordre fiscal ne relèvent pas de la loi spéciale ». C’est donc le cadre en vigueur pour 2024 qui doit s’appliquer. Ainsi, tant qu’il n’y aura pas de loi de finances en bonne et due forme, la surtaxe prévue sur les bénéfices des grandes entreprises ne pourra pas s’appliquer. Les mesures favorables aux agriculteurs ou pour la Nouvelle-Calédonie non plus.Le Débats sur l’Indexation
Dans ce contexte, il est difficile d’imaginer indexer sur l’inflation le barème de l’impôt sur revenus. Pour le Conseil d’État, ce ne serait pas conforme à l’esprit de la Constitution. Mais la France insoumise ne partage pas cette lecture. Manuel Bompard a souligné que « il y a un sujet d’interprétation ». Quand le Conseil d’État dit que ça doit permettre de lever les impôts existants, on peut considérer que réindexer le barème de l’impôt sur le revenu est une manière de garantir le même périmètre. Par ailleurs, le Conseil d’État donne un avis qui n’est pas contraignant. Il y a déjà eu des gouvernements qui n’ont pas suivi son avis. Et là, il y a une unanimité de tous les groupes politiques et des députés à l’Assemblée nationale. Ainsi, par un amendement déposé par Eric Cocquerel, député LFI et président de la Commission des finances, la France insoumise compte réintroduire l’indexation du barème dans la loi spéciale. Si la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, jugeait l’amendement recevable, il aurait de grandes chances d’être adopté.Le Retour par un Vrai Budget
Mais dans tous les cas, même si l’indexation ne passait pas par cette fenêtre, elle pourrait toujours reprendre la grande porte. C’est-à-dire revenir par le biais d’une Loi de finances en bonne et due forme. À condition qu’un texte soit adopté en temps voulu en 2025, mais il est difficile de le imaginer. En effet, ce n’est qu’en mai que les Français effectueront leur déclaration de revenus et seulement en septembre que le taux de prélèvement de l’impôt à la source sera actualisé. Cela laisse un peu de temps.