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L’assassinat de Samuel Paty ou la chronique d’un engrenage mortel
2024-11-04
Tout a commencé par un petit mensonge rapidement devenu une rumeur incontrôlable aux conséquences dramatiques. L'histoire d'une adolescente de 13 ans, Farah, qui a raconté à ses parents que son professeur d'Histoire-Géo, Samuel Paty, avait demandé aux élèves musulmans de sortir de la classe pour projeter une caricature du prophète entièrement nu. Cette affirmation s'est avérée être un mensonge, mais les conséquences en ont été terribles. Le 16 octobre 2020, le professeur a été décapité par un jeune réfugié tchétchène, Abdoullakh Anzorov, qui a revendiqué son acte pour "venger le prophète". Cette tragédie a secoué la France et a mis en lumière les dangers des rumeurs et de la radicalisation.
Une Tragédie Aux Multiples Facettes
Le Mensonge de Farah
Farah, une collégienne de 13 ans, a raconté à ses parents que son professeur d'Histoire-Géo, Samuel Paty, avait demandé aux élèves musulmans de sortir de la classe le temps qu'il projette une caricature du prophète entièrement nu. Selon elle, elle s'était insurgée contre cette décision et avait été exclue du cours pour son insolence. Cependant, la réalité était tout autre. Le professeur avait simplement proposé aux élèves qui craignaient d'être choqués par cette image de détourner le regard quelques instants. Il n'y avait eu aucun incident et Farah était même absente ce jour-là. Quelques semaines plus tard, elle a reconnu devant les enquêteurs que ce mensonge visait à cacher à ses parents qu'elle avait été exclue du collège quelques jours auparavant.La Réaction de Brahim Chnina
Lorsque Brahim Chnina, le père de Farah, a appris l'exclusion de sa fille, qu'il pensait liée à Samuel Paty, il a décidé de ne pas en rester là. Il a publié une série de messages sur Facebook pour faire part de son indignation, donnant le nom de l'établissement et celui du professeur. Une pétition en ligne a même été diffusée par la famille. Le soir-même, Brahim Chnina a été contacté par Abdelahakim Sefrioui, un militant islamiste de 65 ans, fiché S notamment en raison de son activisme pro-Hamas. Les deux hommes se sont donnés rendez-vous le lendemain matin devant l'entrée du collège, exigeant d'être reçus par la direction et traitant l'enseignant de "voyou". Ils ont également tourné des vidéos dans lesquelles Farah raconte "son" histoire.La Radicalisation d'Abdoullakh Anzorov
À 80 kilomètres à l'ouest de Conflans, du côté d'Evreux, Abdoullakh Anzorov, un Tchétchène de 18 ans qui a obtenu le statut de demandeur d'asile en 2019, tombe sur une des vidéos tournées devant le collège. Cet adolescent s'est radicalisé au cours de l'année 2020 et a déjà fait des recherches concernant une CPE d'un collège après un tweet négatif. Quelques heures après avoir visionné les vidéos, il a appelé Brahim Chnina. Les deux hommes seront en contact téléphonique à neuf reprises jusqu'à l'attentat. L'enquête n'a toutefois pas permis de démontrer qu'Anzorov connaissait les intentions du tueur.L'Assassinat de Samuel Paty
Le vendredi 16 octobre 2020, veille des vacances de la Toussaint, Samuel Paty a déjeuné avec ses collègues, qui l'ont trouvé "absent, préoccupé" et "tendu". Abdoullakh Anzorov, lui, a patienté pendant près de trois heures avec des collégiens en attendant que l'enseignant sorte de l'établissement. À 16h50, un élève a désigné l'enseignant, et le tueur s'est précipité sur lui, lui assénant plusieurs coups de couteau avant de le décapiter. Il aura le temps de revendiquer son geste sur les réseaux sociaux avant d'être abattu par des policiers qu'il menaçait.Les Conséquences Judiciaires
Plusieurs personnes ont été mises en cause dans cette affaire. Deux amis d'Abdoullakh Anzorov sont jugés pour complicité d'assassinat terroriste, tandis que six autres accusés le sont pour association de malfaiteurs terroriste criminelle. Parmi eux, Brahim Chnina et Abdelahakim Sefrioui, qui sont soupçonnés d'avoir contribué à désigner Samuel Paty comme une cible en publiant ces vidéos. Quatre contacts d'Anzorov sur les réseaux sociaux sont également jugés pour "association de malfaiteurs terroriste", soupçonnés d'avoir entretenu le terroriste dans ses projets mortifères. Les accusés encourent des peines allant de 30 ans de prison à la réclusion criminelle à perpétuité.