Finances
"Les collectivités et leur lien financier avec l'État"
2024-11-29
Depuis la disparition de Gaston Defferre en 1986, les élus locaux, qu'ils soient dans la majorité ou dans l'opposition, ont perdu le soutien unique d'un ministre véritablement décentralisateur de l'histoire. Celui-ci, par la loi du 2 mars 1982, a tenté de rompre avec huit siècles d'une centralisation administrative commencée par Philippe Auguste (1165-1223) et ses baillis et sénéchaux, les ancêtres des préfets actuels. Durant les vingt-cinq dernières années, les gouvernements successifs ont détruit une grande partie de la fiscalité locale. Ils ont supprimé les droits de mutation des régions, la vignette des départements, la taxe professionnelle, la taxe d'habitation sur les résidences principales et la cotisation à la valeur ajoutée en tant qu'impôt local. On ne compte pas non plus la division par deux des bases foncières des entreprises industrielles. Grâce à cette série de textes, les départements et les régions n'ont plus aucune marge de manœuvre fiscale. Quant aux communes, bien qu'elles puissent toujours percevoir une taxe de séjour du visiteur qui passe une nuit sur leur territoire, le séjour d'un habitant qui y passe 365 jours par an est devenu gratuit. Ce débat entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux s'est intensifié depuis l'été, avec la mise en cause par Bercy d'une responsabilité des collectivités dans la dérive annoncée des comptes publics, qui passerait d'un déficit prévu de 4,4 % du PIB à un estimé de 6,1 % en 2024, soit un écart de prévision de plus de 50 milliards d'euros...

Tagline : "L'Évolution des Pouvoirs Locaux et de la Fiscalité"

Règles de la Fiscalité Locale

Depuis la mort de Gaston Defferre, les gouvernements ont progressivement supprimé de nombreuses taxes locales. Ils ont éliminé les droits de mutation des régions, la vignette des départements et la taxe professionnelle. De plus, la taxe d'habitation sur les résidences principales et la cotisation à la valeur ajoutée en tant qu'impôt local ont également été supprimées. Cette situation a laissé les départements et les régions sans marge de manœuvre fiscale. Les communes, cependant, peuvent toujours percevoir une taxe de séjour du visiteur, mais le séjour d'un habitant annuel est devenu gratuit. Cette évolution a eu un impact significatif sur la fiscalité locale et sur les pouvoirs des collectivités.

Différences dans les Comptes Financiers

Les comptes financiers nationaux consolident les résultats budgétaires de trois administrations publiques (centrale, sociale et locale), mais ces comptes ne suivent pas les mêmes règles. Sur le projet de loi de finances 2025 en discussion au Parlement, le déficit de fonctionnement de l'État s'élève à 106 milliards d'euros, ce qui signifie que deux tiers de son personnel sont payés par l'emprunt. L'État ne pratique aucune dotation aux amortissements sur ses propres immobilisations, comme si ses véhicules et ordinateurs avaient une durée de vie infinie. En revanche, les collectivités doivent amortir leurs biens mobiliers comme les entreprises et ne peuvent se tourner vers l'emprunt que pour financer des investissements. De plus, elles ne peuvent pas rembourser le capital de leur dette par la contraction d'emprunts nouveaux. Si l'État respectait les règles budgétaires qu'il impose aux collectivités, il faudrait ajouter au projet de loi de finances 2025 plus de 276 milliards d'impôts supplémentaires, ce qui équivaut à passer le taux normal de TVA de 20 % à 46 %. Cette différence dans les règles comptables a des répercussions importantes sur la situation financière des collectivités.

Le Débat entre le Pouvoir Central et les Pouvoirs Locaux

Le débat entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux s'est intensifié depuis l'été. Bercy a mis en cause la responsabilité des collectivités dans la dérive annoncée des comptes publics. Le déficit prévu a augmenté de 50 milliards d'euros, passant de 4,4 % du PIB à 6,1 % en 2024. Ce déficit a suscité de nombreuses discussions et a mis en évidence les différences de position entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux. Les collectivités se sentent parfois marginalisées face au pouvoir central, qui semble avoir le contrôle sur la fiscalité et les finances publiques. Cependant, les pouvoirs locaux ont également des responsabilités et des intérêts à défendre. Ce débat est crucial pour trouver un équilibre entre le pouvoir central et les pouvoirs locaux et pour garantir la viabilité financière des collectivités.
"Les collectivités locales face à la réforme financière publique"
2024-11-29
La réforme des systèmes financiers publics joue un rôle crucial dans la transformation des institutions publiques, notamment des collectivités locales. Depuis la crise financière de 2008, cette réforme a été accélérée sous l'influence de l'Union européenne. Un objectif d'équilibre des comptes publics a été incorporé dans la Constitution et est appliqué dans chaque administration publique dans le cadre des lois de programmation pluriannuelle des finances publiques. De nombreux mécanismes contraignants ont été mis en place successivement par le législateur pour associer les collectivités territoriales à la maîtrise des dépenses, tels que les contrats dits « de Cahors » en 2018, qui ont été remplacés par un « fonds de résilience des finances locales » dans le projet actuel de loi de finances pour 2025.

Les Tensions sur la Responsabilité Financière

Les décideurs publics locaux sont confrontés à de fortes tensions sur leur responsabilité financière. Dans ce contexte, ils ont du mal à remplir leurs missions fondamentales, et leur libre administration est désormais systématiquement remise en question. Ces tensions révèlent un enjeu politique majeur autour de l'approfondissement ou de la limitation de la démocratie locale.

La Responsabilité Financière : Une Responsabilité Juridique

Classiquement, la responsabilité financière est fondée sur le bon emploi des deniers publics, c'est-à-dire leur emploi régulier. Elle sanctionne exclusivement et juridictionnellement le non-respect des règles et des principes du droit public financier local établis dans l'intérêt général. Elle a été progressivement construite à partir des années 1970 grâce à l'octroi de ressources propres, la généralisation du principe de l'élection au suffrage universel, la suppression de la tutelle du préfet en 1982 et la constitutionnalisation d'un principe d'autonomie financière en 2003.

Un Cadre Remis en Question

Ces libertés ont eu pour contrepartie l'encadrement de l'exercice du pouvoir. Les principes budgétaires d'unité, d'universalité, d'annualité et la règle de l'équilibre budgétaire, destinés spécialement aux collectivités territoriales, encadrent la prise de décision et la soumettent aux contrôles du Parlement, des assemblées locales et du juge. Bien qu'apparaissant techniquement, ils répondent avant tout à des exigences d'ordres politique et démocratique. Ces contraintes juridiques constituent à la fois une limite à l'autonomie financière, mais également les conditions de son existence dans un Etat de droit démocratique.
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"Le déclin de l'autonomie financière locale et le regain du pouvoir de l'État"
2024-11-29
Dans un contexte où la décentralisation s'est longtemps fondée sur le modèle de l'autonomie financière locale, une situation dramatique se dessine. Ce modèle, qui combinait l'autonomie fiscale (impôts spécifiques et le pouvoir de fixer les taux) et l'autonomie de gestion (la globalisation des dotations et la liberté d'utiliser les prêts), a été établi en principe par la loi constitutionnelle de 2003. Cependant, il s'est avéré être une illusion juridique, car dès cette époque, l'autonomie financière n'était plus qu'une ombre de sa propre essence.

La Perte Irréversible de l'Autonomie Financière Locale

Le Décollage du Pouvoir Fiscal Vers l'État

Depuis les années 1980, le modèle d'autonomie financière locale a connu une évolution paradoxale. Il s'est installé provisoirement au début des années 1980, mais a progressivement et inexorablement reculé sous l'effet des allégements fiscaux qui se sont multipliés à partir de 1982. Des dégrèvements et des exonérations ont été introduits, ainsi que la suppression de deux grands impôts : la taxe professionnelle en 2010 et la taxe d'habitation entre 2018 et 2023. Ces suppressions ont entraîné une disparition partielle ou quasi-totale de l'autonomie fiscale des communes, des départements et des régions. Une décision du Conseil constitutionnel en 2009 a même clairement réfuté l'existence d'un principe d'autonomie fiscale, mettant fin aux discussions sur ce sujet, au moins sur le plan juridique. Ainsi, le pouvoir fiscal a progressivement repris le dessus, et l'autonomie financière locale a été amputée.

La Participation aux Finances Publiques

L'évolution de l'autonomie financière locale a été accrue par la volonté de faire participer les collectivités territoriales à la soutenabilité des finances publiques. En effet, les collectivités territoriales, avec l'État et la Sécurité sociale, font partie du périmètre de l'équilibre global des finances publiques imposé par le traité de Maastricht en 1992. C'est pourquoi l'État tente de s'approprier leurs ressources ou de limiter la progression de leurs dépenses de fonctionnement, réduisant ainsi leur autonomie de gestion. Depuis des dizaines d'années, avant même Maastricht, des rapports ont demandé une meilleure régulation des dépenses locales. En 1986, le gouvernement, inquiet de la progression des dépenses publiques, a demandé un rapport sur les dépenses des collectivités locales (rapport Raynaud-Feuilloley). Les auteurs ont constaté que les dépenses locales évoluaient plus vite que celles de l'État et qu'il était nécessaire de les réguler. Malgré de nombreux efforts, ces dispositifs n'ont pas abouti à un véritable contrôle des dépenses locales.
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